Il y a deux mots particulièrement polémiques dans notre occident moderne : supérieur et inférieur. Tentez de placer ces mots dans une discussion et vous aurez bien souvent des réactions épidermiques. Ce sont des mots émotionnellement chargés. Si je dis, en substance, la même chose mais avec d’autres termes, ça passe. Si je dis, à la salle de sport, que ce mec est plus balaise que moi, on l’aura compris, je dis que ce gars m’est supérieur sur le plan physique. Je pose une constatation.
Faisons un parallèle avec les jeux-vidéos. Au moment de choisir, par exemple, sa voiture, des jauges s’affichent. Elle est plus ou moins rapide, a plus ou moins d’adhérence, etc… etc.. Elles aura des caractéristiques différentes, plus ou moins développées. Certaines voitures seront plus rapides que d’autres, mais auront moins d’adhérence. Je pourrais aussi dire qu’elles sont supérieurement rapide et inférieures en adhérence. Mais, au final, peu importe, si on choisi une voiture de course plutôt qu’un tracteur, c’est dans un but, celui de gagner la course, ou de moins, de bien se positionner. Une course dont le but serait de finir ex-aequo n’aurait aucun intérêt.
Tentons quand même l’expérience
Pour arriver ex-aequo, il va falloir que tout le monde parte avec exactement les mêmes caractéristiques au départ. Comme ça n’est pas possible, certains devront freiner pour ne pas dépasser ceux en incapacité d’accélérer. A l’arrivée, il n’y aura ni fierté d’avoir gagné, ni déception d’avoir perdu, Tout comme au départ, il n’y avait ni rage de vaincre, ni peur de perdre
Histoire de pousser la logique un bout plus loin, on pourrait refaire la même course chaque mois, en respectant les mêmes chrono. Peut-être même que le seul but de la course pourrait devenir de finir toujours avec le même temps. Ainsi, nous serions ex-aequo avec les autres, comme avec nous-même. Vous iriez voir ou participeriez à une course comme celle-ci ? Une course qui ne demanderait, au final, ni préparation avant le départ, ni bilan après l’arrivée. Au final une situation bien calme, pas trop bousculante… pas très palpitante non plus.
De quel calme, de quels bousculades parle-t-on ici ?
Je parle du calme des émotions bousculées par les tergiversations de l’ego. Car je ne connais qu’un gagnant pour dire que « l’important c’est de participer ». Le perdant, lui, aura à assumer des sentiments plus ou moins agréables allant de l’envie de prendre sa revanche à la honte en passant par la déception, la jalousie, les regrets et je ne sais quoi d’autre, toute une ribambelle d’émotions pouvant entacher ce bon moment. Que celles-ci soient en lien avec lui-même ou avec les autres. Il peut même être perdant dans la course mais gagnant vis a vis de lui ou inversement.
Prétendre à l’égalité est un frein à l’épanouissement personnel. Je rajouterais même que la vision égalitaire provient plus d’un problème d’ego que d’une quelconque moralité supérieure. Quelle possibilité de progression existe dans une configuration telle que celle-là ? Il n’en existe pas. Il y a par contre plus de possibilité de régressions si, après les voitures de courses, on ouvre la course aux berlines, puis aux utilitaires, aux tracteurs, et pourquoi pas aux tricycles afin de leur éviter la souffrance de ne pouvoir participer.
Au final, que reste t-il ?
Des participants qui ne sauront jamais ce qu’ils valent réellement, que ça soit face aux autres ou face à eux-même. Tout un tas de questionnements dérangeants et d’émotions désagréables auront étés évacués, cachés derrière cette posture empathique consistant à ralentir pour ne pas blesser le perdant. L’ego est donc fragilisé en même temps qu’il est gonflé. C’est comme s’il y avait une fierté à ne surtout pas trop briller. On pourrait aussi imaginer que prendre le risque de briller, c’est affronter sa peur de remarquer qu’on éclaire pas autant qu’on le pourrait ou le pensait. Peut-être même que briller, c’est prendre le risque d’être un peu trop vu de certaines personnes vis-a-vis desquelles ont aimerait se cacher. C’est même, je pense, la première raison. Mais ceci pourrait faire le sujet d’un autre article.
Envisageons maintenant la voie sage, saine, mais ardue du développement personnel.
Nous avons tous nos jauges, nos capacités, nos compétences, plus ou moins développées. Le moment qui nous le rappel peut-être le plus est l’évaluation du personnel dans une entreprise. Des critères sont posés consciemment, concrètement, par quelqu’un d’autre et sont évalués. C’est en fonction du bilan qui sera fait de nos points forts et nos points faibles, que l’on a renommé en points de vigilance, ou point à améliorer que l’on pourra prendre une direction dans l’entreprise, ou en sortir. Il est possible de changer les pneus d’une voiture pour améliorer son adhérence tout comme il est possible de développer des compétences chez chacun de nous. A l’intérieur de l’entreprise, on parlera du développement des compétences alors qu’à l’extérieur, on appellera ça le développement personnel.
Le développement personnel a pourtant plutôt mauvaise presse. C’est qu’il y a une différence fondamentale entre les deux. Dans une entreprise cela va dans un sens. L’autre pose les critère pour moi dans un cadre précis. Dans la vrai vie, le choix des critères, tout comme l’évaluation de ces critères seront fait par moi-même comme par l’autre. Et le cadre est très large.
Tout le travail de développement personnel est donc d’identifier les contraintes et forces en jeu et de savoir quoi en faire. En d’autres termes :
Qui suis-je
Qui veux-je être
Comment je vais faire pour y arriver ?
En faite, c’est ce qu’on appelle grandir. Nous ne grandissons pas tous à la même vitesse, ni dans les mêmes domaines, et parfois même, grandir fait un peu d’ombre à ceux qui peinent, ou refusent de grandir. Mais nous régressons aussi. Quand je ne vais pas au sport pendant un mois, je régresse au sport. Quand je rencontre quelqu’un de très assidus, qui grandi, par contraste, je régresse d’autant plus.
Cela peut paraître tragique pour quelqu’un qui voit la situation du point de vue de l’ego qu’on pourrait imager comme un doigt qui pointe de manière réprobatrice avec l’injonction « t’es un looser ». Celui-ci aimerait alors peut-être que l’autre ralentisse.Une autre possibilité est de prendre du recul, faire quelques pas en arrière et se rendre compte que le fait d’avoir régressé en sport n’est qu’une bribe de la réalité, un moment donné dans un lieu précis. J’ai régressé en sport au profit de la lecture, de mes études, de la cuisine, de mes contacts sociaux, de ma récupération. Avoir régressé en sport n’implique pas que j’ai régressé tout court. C’est cela qu’il faut voir et évaluer avec tendresse envers nous-même. C’est pas parce que j’ai régressé dans un domaine précis que je « suis » régressé. Les enfants grandissent par essai et erreur. J’essaie, je commet une erreur, j’améliore, et je remet le couvert jusqu’à une limite infranchissable.
« Dieu, donne-nous la grâce d’accepter avec sérénité les choses qui ne peuvent être changées, le courage de changer celles qui devraient l’être, et la sagesse de les distinguer l’une de l’autre » [Reinhold Niebuhr (1892–1971), théologien américain]
Pour les enfants c’est instinctifs et facile, mais à la longue, on intègre que cela comporte aussi plein de risques :
– Risquer la nullité en disant, je sais pas
– La bêtise en disant, je ne comprend pas
– La soumission en demandant de l’aide
– La transparence en se mettant dans une position d’écoute
Mais aussi
– Risquer l’arrogance en brillant
– L’injustice sociale en se montrant ambitieux
– Les rivalités en se montrant affirmatif
– La désillusion en se montrant sûr de soi
– L’épuisement au travail
Grandir, c’est faire le choix de ne pas tronquer le score en le gelant dès le départ, c’est se mettre du challenge et faire honneur à la vie en favorisant son expansion. C’est suivre notre mouvement naturel depuis que nous sommes enfants.
« Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » [Confucius]
Contrairement à certaines croyances très ancrées dans notre culture, grandir ne se fait pas forcément au détriment des autres. Les enfants nous le rappelle tout les jours. Que certaines personnes vivent mal votre expansion et vous le fasse ressentir est possible, mais cela, c’est leur affaire. D’autres personnes seront enthousiastes. A vous de vous entourer de celles-ci. Certains parents aiment que leur enfant grandisse alors que d’autres vivent mal le fait que leur propre enfant grandisse.
Le prochain article approfondira les risques.
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